Dès son
entrée dans ce qui allait servir de dorénavantielle demeure, tout de
suite, Coco se sentit le coeur envahi d’une immense nostalgie, ses
petits yeux ronds se voilèrent comme d’une taie de mort, et de
longs frissons secouèrent la polychromie magnifique de son ardent
plumage.
Jamais le
Brésil, son natal
Brésil, ne lui avait paru loin comme à cette minute-là! On
lui aurait demandé d’évaluer la distance qui séparait cette
petite ville du Nord de Rio de Janeiro, qu’il n’aurait, certes,
point su fixer un chiffre même approximatif, mais n’empêche que c’était
bigrement loin!
Pendant la
traversée, le temps n’avait point, à Coco, semblé trop long:
très gâté par le matelot son maître, gorgé
d’un tas de bonnes graines et de fruits succulents embarqués
au pays, Coco manifestait sa vive reconnaissance de toutes ces
gentillesses par sa vive assiduité à
l’étude de la blasphémologie française et maritime.
Les mauvais
jours commencent dès le débarquement à Dunkerque, grand port
marchand, dont Coco intarissablement huché sur l’épaule de son
bambocheur de patron, n’est pas, hélas! long à connaître les plus
mal famés endroits.
Coco est sobre,
Coco est chaste, et, précisément, les maisons d’où il ne sort,
pour ainsi dire, pas, ne sont qu’estaminets et débauchoirs plus
néfastes encore.
Puis, c’est
la séparation.
Entièrement
ruiné par tant de successives orgies, l’homme de mer en est réduit
à bazarder son volatile compagnon.
À la vue du
nouveau patron, la première impression de Coco n’est pas trop
défavorable: un gros homme commun, d’aspect athlétique et de verbe
jovial; autant celui-là qu’un autre, quoique l’ère des forêts
vierges semble, aux yeux du pauvre déraciné, irrévocablement close.
Mais devant la
petite cage au sein de laquelle on tente de l’enfermer, Coco ne veut
rien savoir, Coco piaille, Coco dévide à tue-tête tout
son répertoire sacrilège, Coco hérisse ses ailes: en un mot,
Coco n’est pas content.
Son nouveau
maître le calme du mieux qu’il peut, et c’est sur l’assurance
formelle que la cage maudite enclora Coco durant les quelques seules
heures de chemin de fer, après quoi le joyeux perchoir! que Coco
consent à intégrer sa prison de fil de fer...
« Où diable
vais-je? s’inquiète en lui-même Coco. Vers quels nouveaux parages
me conduit mon aveugle destinée? »
Pas de veine,
mon pauvre Coco!
Pas de veine!
Toi, qui as si fort pris en grippe les estaminets dunkerquois, c’est
dans un estaminet, un affreux estaminet de sombre petite ville
usinière que maintenant se déroulera ta vie d’exilé!
Ah! oui, il
est loin, ton vieux Brésil! Tu peux le dire!